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CP Stop Cigéo, 21/01/2025 - Cigéo : explosion ou incendie ? Au choix ! Les risques confirmés par le gendarme du nucléaire

 Mi-décembre 2024 le groupe permanent d'experts pour les déchets (GPD) a rendu un avis sur l'évaluation de la sûreté en exploitation du projet Cigéo dans le cadre de l'instruction de la Demande d'autorisation de création (DAC). Cet avis, correspondant au deuxième volet du dialogue technique organisé par l'IRSN sur Cigéo, a été publié (1) par l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) le 16/01/2025.  Passé le traditionnel : "globalement satisfaisant" en ce qui concerne l'emballage du projet (les infrastructures), des compléments essentiels doivent être apportés par l'Andra avant tout enfouissement des déchets, sur la maîtrise des risques d'explosion ou d'incendie.

Une atmosphère explosive sous nos pieds ?

La problématique a été identifiée dès l'origine du projet d'enfouissement des déchets MA-VL et HA-VL. Radiolyse et corrosion des matériaux produisent de l'hydrogène qui, à un seuil de concentration critique, induirait inévitablement une explosion (2). 
Le GPD parle d' "atmosphère explosive" et de double enjeu : "maîtriser le risque d’explosion au niveau d’un alvéole et éviter une montée en pression qui pourrait fragiliser la roche hôte ou les scellements". 
L'Andra parle pour l'heure de "limitation des conséquences" (3), dans son dossier DAC/Pièce 8. Une démonstration qui n'a pas convaincu l'IRSN qui a instruit cette partie ? 
Finalement, l'Andra patine et semble en être au même stade qu'en 2017, lorsque l'IRSN estimait dans son avis sur le dossier d'options de sûreté que sa capacité à gérer les situations post-accidentelles était insuffisante !

 

Une inquiétante fuite en avant

Face à ces constats extrêmement alarmants, sont annoncés des travaux de terrassements vers 2029 ; le début des creusements à l’horizon 2035. L'Andra doit, selon l'ASNR,  répondre à des demandes complémentaires avant le stockage des premiers déchets.
Autrement dit, l'Andra pourrait avoir le feu vert et obtenir son décret pour construire Cigéo alors que tout reste à démontrer sur son "coeur de métier", retenir la radioactivité sous terre ! A quoi jouent les "experts" ?  
A savoir que la ventilation des gaz sera permanente et obligatoire pendant au moins 150 ans, un défi technologique inédit. Et la question de l'évacuation de ces gaz explosifs reste entière à la suite de la fermeture définitive du stockage et de l'arrêt de cette ventilation.

 

Déchets radioactifs bitumés, toujours prêts à flamber

Alors que les déchets bitumés hautement inflammables ont été provisoirement "sortis" de la DAC, l'ASNR exige une démonstration de sûreté avant toute autorisation d'enfouissement de ces déchets pour la phase pilote. Un tour de vis face à l'optimisme affiché par l'Andra ? A savoir que le CEA et l'Andra mènent des études à ce sujet (programme Babylone) et laissent entendre que leur enfouissement "en l'état", sans intervention visant à réduire leur inflammabilité, pourrait être envisageable. 

 

 

Plus généralement, au stade de la DAC, l'Andra ne parvient toujours pas à démontrer qu'elle saurait gérer les conséquences d'un incendie dans le sous-sol, de le sectoriser et d'empêcher sa propagation.

 

La Coordination Stop Cigéo dénonce

- le double langage de l'ASNR, injustifiable à ce stade du projet, qui permettrait l'autorisation de la phase-pilote
Si le GPD et l'IRSN annoncent que la sûreté du stockage nucléaire n'est pas assurée au stade de la demande d'autorisation de lancer les travaux, ils estiment -en même temps- que "la phase pilote permettra de compléter et de conforter l’évaluation de la sûreté de Cigéo",
 
- un inventaire scandaleusement évolutif, l'ASNR citant "l’adaptabilité de Cigéo au stockage des déchets de l’inventaire de réserve, qui inclut des combustibles usés (CU) et des déchets de faible activité à vie longue (FA-VL) (4),
 
- l'illusion créée autour de Cigéo, alibi politique pour la poursuite et la relance du nucléaire
Accréditer la thèse d'une filière électronucléaire responsable et capable de gérer ses propres déchets semble plus important pour les opérateurs que prouver qu'ils sauront maîtriser les risques.

 

Elle exige

- l'arrêt de l'emploi des concepts d'adaptabilité et de progressivité qui font de Cigéo un chantier modifiable à l'infini, en cours de construction et d'exploitation, du jamais vu au regard de son ampleur, de ses risques, de ses coûts et de sa complexité, 
 
- l'information effective et au plus vite de la population locale (habitant.es et élu.e.s) et du public, sur les risques d'explosion et d'incendie lié à ce projet,
 
- la prise au sérieux par le monde politique des tares structurelles majeures de la voie du stockage géologique, dans toute les démarches décisionnelles à venir.
 
- qu'aucuns travaux ne soient engagés sur le territoire, au vu des incertitudes non levées.

 

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-1 -
 
-2- EXTRAIT DU RAPPORT GPD
L’atmosphère explosive
"Une atmosphère explosive (ATEX) se forme lorsqu’un mélange de gaz inflammable et d’oxygène atteint une concentration qui, en présence d’une source d’inflammation (chaleur, étincelle, etc.), peut déclencher une explosion. Dans Cigéo, ce risque est principalement lié à la production de dihydrogène ; le seuil d’explosivité, pour le dihydrogène, est atteint pour une concentration de 4%.
Pour les colis de déchets MA-VL (moyenne activité à vie longue), la production de dihydrogène provient essentiellement de la radiolyse des matières organiques contenues dans les déchets (résines, eau, etc.), c’est-à-dire la décomposition des molécules sous l’effet des rayonnements. À mesure que les alvéoles MA-VL passent de la phase d’exploitation à celle de fermeture, l’arrêt du renouvellement d’air dans les alvéoles peut conduire à une accumulation de dihydrogène dans des zones peu ventilées, augmentant le risque d’ATEX.
Pour les colis de déchets HA (haute activité), le dihydrogène est majoritairement engendré par la corrosion anoxique des matériaux métalliques, tels que le chemisage en acier des alvéoles et les conteneurs de stockage. Cette réaction se produit lorsque ces métaux sont exposés à l’humidité présente dans la roche environnante. La production continue de gaz dans ces alvéoles constitue un double enjeu : maîtriser le risque d’explosion au niveau d’un alvéole et éviter une montée en pression qui pourrait fragiliser la roche hôte ou les scellements."
 
-3- Dossier d'autorisation de création de l'installation nucléaire de base (INB) Cigéo
Pièce 8 - Étude de maîtrise des risques / Résumé non technique de l’étude de maîtrise des risques - 5.3.2.4.2 Dispositions de maîtrise du risque - c/ Limitation des conséquences - Pages 175 et 180 
 
-4- EXTRAIT DU RAPPORT GPD
"Au vu de l’analyse préliminaire de sûreté en fonctionnement présentée par l’Andra au titre des études d’adaptabilité de Cigéo à l’inventaire de réserve, l’IRSN n’identifie pas de point rédhibitoire lié à la sûreté du stockage des combustibles usés et des déchets FA-VL de ces inventaires."