C’est un nouveau bras de fer juridique qui commence avec le dépôt du recours que 32 organisations dont les associations de la Coordination Stop Cigéo et 30 habitant-es viennent de déposer auprès du Conseil d’État. Sont attaqués les décrets publiés le 7 juillet déclarant Cigéo d’Utilité Publique et Opération d’Intérêt National.
L'intérêt général du projet Cigéo menace gravement les intérêts des habitant-es et leur quotidien
Ces décrets ont pour objectif commun la précipitation de l’ancrage physique du projet Cigéo avant même son autorisation. Depuis le 7 juillet, parce que le projet Cigéo est décrété d’utilité
publique, l’Andra peut obtenir la maîtrise foncière qui lui manque en recourant à des expropriations et préparer le territoire en modifiant les documents d’urbanisme locaux afin de les rendre
conciliables avec le projet.
L’Opération d’Intérêt National achève ce dessein en opérant un changement de souveraineté en matière d’urbanisme. Les compétences des élus locaux sont désormais entre les mains de l’État sur une
zone de 3641 hectares correspondant à 12 villages autour de Bure : pour demander un permis de construire ou développer une activité, il faudra demander directement à l’Etat qui, à n’en pas
douter, cherche à créer un territoire entièrement dédié à Cigéo et refusera toute sollicitation qui n’ira pas dans ce sens.
Derrière la DUP et l’OIN, se profile une avalanche d’arrêtés et demandes administratives visant à commencer les travaux dits préparatoires à Cigéo, soit tous les raccordements (en eau, en
électricité, en voies ferroviaires et routières...) qui lui seraient indispensables et qui seraient engagés avant même que le stockage géologique des déchets n’obtienne le feu
vert.
Cette intolérable politique du fait accompli est donc fermement contestée par recours juridique.
Un recours pour défendre un territoire menacé de désertification à court terme
Associations et habitant.es se sont associés pour s’opposer à l’Etat et à l’Andra via la voie juridique. Une démarche particulièrement délicate, -et même courageuse- pour la population locale, au
regard du climat de harcèlement foncier instauré par l’Andra depuis plusieurs années, des pressions multiples exercées et d’une présence policière omniprésente sur le territoire.
La crainte est unanime. La menace de l’expropriation plane et on perçoit d’ores et déjà les velléités de l’Andra : vider le territoire de ses habitant-es. Dans des villages autour de Bure,
des maisons rachetées par l’Andra ont déjà été rasées au prétexte qu’elles étaient trop vétustes alors qu’il s’agissait surtout d’éviter l’installation de nouveaux habitant-es... et opposant-es.
De nombreux services qui fixent la population sont progressivement abandonnés (collège, activités diverses). L’argent déversé sur le territoire -pour acheter le consentement des populations- est
illusoire. Une part toujours plus importante est consacrée aux projets de BTP en lien avec Cigéo et à une politique de nucléarisation du territoire non décidée avec la population.
Un recours préparé de longue date à partir d'un dossier particulièrement incomplet
Comment un projet comportant autant de risques insolubles et dont l’étude d’impact environnementale est scandaleusement insuffisante pourrait-il être déclaré d’utilité
publique ?
Comment un projet dont le coût est non seulement sous-estimé mais absolument inchiffrable (parce que l’inventaire et le volume des déchets, préalables indispensables pour l’évaluer, ne sont pas
définis) pourrait-il être considéré d’intérêt général ?
Le travail juridique entrepris par des opposant.es à Cigéo est en cours de longue date. Les arguments développés dans ce recours porté par 5 avocat-es ont été élaborés avec rigueur et avec le
concours de personnes expertes. A savoir que le fond argumentaire de l’opposition à Cigéo n’a jamais été démenti.
Une utilité publique de circonstance, pour accompagner la relance du nucléaire
L’utilité publique du projet CIgeo a été déclarée le lendemain de l’annonce de construction de nouveaux réacteurs par la présidence française, dans un contexte européen qui place, de façon
hautement contestable, le nucléaire comme énergie de transition. Pour l’Etat et une filière industrielle aux abois, Cigéo est juste un coûteux et dangereux mirage. Il s’agit de faire croire -et
non d’arriver à prouver- à une solution pour les déchets radioactifs et d’imposer à un territoire qui a pourtant bien d’autres atouts, cette poubelle nucléaire à tout prix. Un destin que nombre
d’habitant.es et d’associations ne cessent de dénoncer et continuent de refuser catégoriquement.
Le projet Cigéo rencontre beaucoup trop d’obstacles sur le plan technologique et financier pour franchir l’étape de l’utilité publique