sa justification
n’ pas de nature à rassurer. En effet, la fragilité de l'argile de Bure est telle que, déjà sans incendie, le creusement seul suffit à créer des
fissures et à altérer de façon irréversible la perméabilité autour des ouvrages dans un rayon d'une dizaine de mètres derrière le béton. Dans ses commentaires, l'Andra se garde bien d'évoquer
cette problématique bien connue de l'EDZ (endommagement de la roche lié au creusement) qui annihile toute possibilité de fermeture définitive par scellement de ces galeries !
L'expérience démontre une vulnérabilité de la roche en cas d'élévation de la température
Dans le reportage, le test sur l'argile de Bure est montré à un expert international spécialisé dans le stockage en profondeur des déchets, Marcos Buser (géologue et expert en
énergie nucléaire) qui confirme que "cette expérience montre en effet qu'une roche qui a des propriétés de conductivité thermique mauvaises, lorsqu'elle est réchauffée,
se dilate et éclate en écaille", ajoutant que "l'argile est connue comme une roche qui a une capacité très limitée de conduire les
températures." Il précise qu'en cas d'incendie, les tunnels même renforcés de béton ne pourront tenir qu’une à deux heures avant un possible écroulement local du dépôt
(précisément ce que nous disions dès 2012, lire article de l’Est Républicain du
13/06/2012). Il ajoute qu’on ne pourra pas récupérer facilement les déchets radioactifs, qu'il s'agit "d'opérations compliquées de longue durée, et
coûteuses, et risquées."
François Besnus (directeur de l'Environnement à l'IRSN) est à son tour interrogé sur la résistance des tunnels de Cigéo en cas d'incendie et confirme les résultats de l'expérience
tout en nuançant les effets : la roche s'effritera effectivement si elle est directement au contact d'un incendie mais on compte sur l'épaisseur de béton pour faire tampon entre le stockage et la
roche. Ceci dit, que penser du laps de temps évoqué par Marcos Buser, 1 heure à 2 heures ? Comment approcher un foyer en quelques heures parmi les 114 kms de galeries ou d’alvéoles MAVL dans un
environnement souterrain avec un équipement lourd, très probablement dans des conditions d’obscurité absolue avec les fumées dégagées, par les services de secours ?
L'Andra ne déroge pas à ses habitudes et se contente de renvoyer à sa future démonstration de sûreté dans le cadre de sa demande d'autorisation de création (DAC) et d'affirmer que
les conséquences d'un éventuel incendie ne seraient pas inacceptables à l'extérieur du site. Une démonstration d'arrogance et de contradiction supplémentaire qui n'échappe pas à Marcos Buser qui
rappelle que "le cas du WIPP montre parfaitement que des réactions sont possibles et des réactions qui ne sont pas contrôlées et qu'aucun projet réalisé n'a
fonctionné", ni à Mycle Schneider (analyste indépendant en politique nucléaire) qui considère que "l'ensemble de la stratégie sur
l'enfouissement géologique est prématurée et en fait un signe d'arrogance scientifique que l'on ne devrait pas se permettre par rapport à des matières qui resteront problématiques durant des
millions d'années".
L’argile de Bure est donc fortement sensible à l’augmentation de la température, ce qui conforte l’hypothèse suivante : elle constitue bien un facteur aggravant d’un risque
incendie déjà systémique. Si l’Andra dit maîtriser ce risque, elle ne peut garantir qu’elle parviendrait à le contenir et les retours d’expérience ne jouent pas en sa faveur.
"Est-ce une bonne idée de confiner des déchets inflammables dans une roche qui ne supporte pas le feu ?"
La question est posée à l'IRSN dans ces termes au sujet des colis bitumineux, ces colis radioactifs qui ont été enrobés dans une matrice de bitume pour des raisons économiques,
choix que l'on paye cher aujourd'hui : non seulement ces colis dégagent eux aussi de l'hydrogène mais sont hautement inflammables car ils ont comme particularité de présenter un risque élevé de
réactions exothermiques : ils peuvent vite gonfler et s'enflammer, le risque étant que cet emballement s'étende en chaîne aux autres colis. François Besnus est catégorique : "Moi je vous réponds d'une autre manière, il vaut mieux ne pas stocker de colis inflammables, un incendie généralisé de ce type de déchets aurait pour conséquence de projeter à l'extérieur
des quantités de radioactivité absolument significatives". Le directeur de l'Environnement semble ainsi prendre ses distances avec la recommandation du groupe
international mandaté par l'Andra qui préconisait de rendre ces colis moins dangereux avant de les enfouir en ajoutant une enveloppe de béton supplémentaire de 20 centimètres.
Effet indirect : si ces colis bitumineux (représentant presque 1/5ème des déchets concernés par l’inventaire référence de Cigéo, volume non négligeable) ne peuvent être enfouis,
cela signifie que Cigéo ne pourra pas davantage accueillir les combustibles usés en cas d’arrêt du retraitement des déchets nucléaires. Autant de déchets radioactifs pour lesquels le stockage
géologique ne serait donc pas « la meilleure des solutions » mais plutôt à éliminer d’emblée ! Un grain de plus dans les rouages de la communication bien huilée de l’Andra qui compte déposer sa
demande d’autorisation de création cette année : et si Cigéo était décidment la pire des options ?