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Communiqué du Cedra, 27/01/2022 - Les Brèves de Cigéo/Bure

Que s'est-il passé ces dernières semaines ? Entre actualités, annonces et bilans ? Toutes les infos autour de Cigéo et de la nucléarisation du territoire en Meuse/Haute-Marne ne peuvent pas faire l'objet d'un communiqué systématique. Il y aurait beaucoup trop à dire. Nous vous proposons donc régulièrement un récapitulatif des actualités et articles intéressants sur le sujet. Bonne lecture !

 

A Bure, Macron n'a pas fait de cadeau !

Mais, bien sûr, on n'attend pas de cadeau de Macron : on n’en a pas besoin, en réalité l'Andra combat ses propres démons. Les avancées de Cigéo sont purement administratives. Sur le plan technologique, l'Andra n'apporte aucun élément nouveau depuis des années. Sur le plan de l'acceptabilité, Cigéo est au point mort.
En 2022, ce qu'il nous faudra combattre toutes et tous ensemble, ce sera la fatalité !
Le 20 décembre 2021, l'avis favorable des commissaires enquêteurs ne nous a pas étonné : rares sont les avis en rupture avec les intérêts de l’État nucléaire. Néanmoins, la complaisance de l’avis sautait aux yeux, le maître d’ouvrage l'aurait rédigé que nous n'en aurions pas été étonné. Comment expliquer que l'avis ne comporte aucune réserve mais seulement quelques recommandations sur l'insertion paysagère de Cigéo dans le territoire ("un écran visuel pour préserver les vues depuis le village"...) ? France Nature Environnement s'interrogeait dans ce communiqué à juste titre : pour faire oublier la poubelle nucléaire faut-il privilégier la déco ? La commission d'enquête ne s'est clairement pas mouillée avec des recommandations de l'ordre du lifting-paysager, on voit où sont ses priorités. Elle balaye l'avis de l'Autorité Environnementale mais propose de maquiller le paysage... La commission a succombé aux artifices de l’Andra au point d’en devenir sa porte-parole : tout y est, vocabulaire, arrogance, confiance absolue. Si la portée de cet avis n’est pas contraignante, il est partial et trompe le public. Il porte un sale coup (de plus) aux outils de la démocratie participative qui décidément en France est grippée avant même d'avoir pu fonctionner, et ouvre sans nul doute la voie à un décret d’utilité publique dont on pressent l'imminence et que nous ne manquerons pas d'attaquer juridiquement.
Lire le communiqué de la Coordination Stop Cigéo du 20/12/2021 : "CIGEO et enquête publique : un avis favorable -sous influence criante- qui fait déborder le vase !
*Lire l'article de Reporterre du 4/01/2022 : "A Bure, Macron n'a pas fait de cadeau"

Stocamine : le Conseil Constitutionnel a censuré un amendement du gouvernement !

En 2021, deux revers pour Stocamine : l'un juridique (annulation du décret qui validait le confinement illimité des déchets toxiques) et l'autre politique : le Conseil Constitutionnel a censuré mercredi 28 décembre comme cavalier législatif un amendement glissé dans le projet de loi de finances autorisant le stockage définitif... qui n'avait donc absolument rien à y faire.
Décidément, de Bure à Stocamine les mêmes méthodes cavalières sont utilisées par le Gouvernement ! En 2017 un amendement sur la fiscalité locale autour de Cigéo avait été déposé au dernier moment au projet de loi de finances rectificative avant d'être retiré sous la pression des députés agacés.
Plus d'infos ici

A la Hague, les habitant-es se liguent contre le projet d'une nouvelle piscine nucléaire

EDF pensait pouvoir implanter une nouvelle piscine nucléaire dans l'enceinte du site d'Orano à la Hague pour y entreposer ses combustibles usés en toute tranquillité. Dans un Cotentin déjà saturé par le nucléaire (concentrant l'usine de retraitement des combustibles, l'EPR de la honte à Flamanville...), la filière se sentait en terrain conquis. Mais justement : "la poubelle est pleine" comme le souligne une habitante !
La contestation fut immédiate et a rapidement abouti à la création d'un nouveau collectif : Piscine Nucléaire Stop. Les riverains mettent en avant leur amour pour un territoire qui a déjà beaucoup donné à la filière : trop c'est trop. La première réunion du Collectif à proximité de Cherbourg a fait salle comble ! Quelques jours plus tard, la réunion d'EDF sur ce projet a été avortée, l'ambiance s'étant rapidement échauffée face à ce projet imposé : à la Hague aussi les fausses concertations ne DUPent plus personne.
 
En Meuse/Haute-Marne aussi nous sommes pris pour des imbéciles : le 31/01 la population est invitée à participer à une concertation sur la déviation de la RD60/960 qui contournerait la zone descenderie du projet Cigéo pour un coût évalué à 20 millions d'euros. Une coquette somme qui serait dépensée et des travaux terminés avant même de savoir si le projet serait autorisé. Tout comme la réhabilitation de la voix ferrée 02700 entre Nançois-Tronville et Gondrecourt-le-Château dont le coût avoisinerait les 120 millions d'euros.
Pendant que les maîtres d'ouvrage de ces projets nous incitent à choisir par où passera la route ou la couleur des murs, la filière nucléaire rencontre des obstacles financiers et technologiques inédits  : c'est sur cela que l'on doit se concentrer !
 
Lire l'article de Ouest France du 8/01/2022 : "Dans la Hague, le collectif citoyen anti piscine EDF se structure"

La filière nucléaire ? Elle n'a jamais été aussi fragile...

 Le 12 janvier, EDF annonçait repousser le démarrage de l'EPR de Flamanville au premier trimestre 2023 en invoquant le covid19. La crise sanitaire à bon dos quand on connaît les multiples reports de cet EPR qui collectionne les déboires technologiques et financiers.

 

Depuis le début de l'année de nombreux articles pleuvent sur l'état alarmant de la filière nucléaire française. En plein hiver, le parc nucléaire français n'a jamais été aussi peu disponible : 10 réacteurs sur 56 à l'arrêt, soit 20% de la capacité de production nucléaire française. EDF a notamment été confrontée à de nombreuses pannes de réacteurs et pas uniquement pour des raisons de maintenance : l'apparition de corrosion et de fissures à la jonction des circuits primaires et du système d’injection de sûreté est l’origine de l’arrêt plusieurs d'entre eux.  A EDF, "Ils sont très angoissés" confiait à Reporterre Hélène Heintz Shemwell du Groupement de scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire (GSIEN), car ce phénomène était improbable. Le directeur adjoint de l’ASN confirmait le week-end dernier que ce phénomène n’était pas attendu.

Il y a de quoi s'en amuser, comme cette publication railleuse sur les réseaux sociaux des Bure à Cuire mettant en scène la météo du nucléaire : "presque une petite quinzaine de réacteurs à l'arrêt en cette belle journée ensoleillée, pensez bien à coupez vos appareillages électriques, ça charbonne chez EDF pour réduire l’intermittence avec du charbon et bientôt (peut-être) des EPR !"

Mais c'est le directeur de l'Autorité de Sûreté Nucléaire qui donne le coup de grâce en cette fin janvier ! En effet, l'ASN envisage l'abandon du retraitement des déchets nucléaires.
Ne serait-on pas entrain de se diriger tout droit vers la fin du mythe (tenace !) du recyclage dans le nucléaire ? Pour rappel, 96% du combustible usé est classé matière valorisable (mais n'est pas réutilisé et s'accumule) dans l'inventaire. L'abandon du retraitement entraînerait une requalification en déchets radioactifs des combustibles usés et modifierait en profondeur le discours de l'industrie nucléaire. La fin de ce mensonge ouvrirait en revanche la voie à une modification de l'inventaire de déchets radioactifs destinés à Cigéo, les combustibles usés faisant partie de l'inventaire de réserve.  D'énormes quantités supplémentaires de déchets donc, avec leurs propres spécificités et dangerosités, mais heureusement, l'Andra a tout prévu : Cigéo est promis flexible et adaptable ! Et s'il faut, elle étendra Cigéo. Ou alors, il en faudra un 2ème, voire un 3ème ! Sic..

.. alors que l'on assiste à une épouvantable surenchère pro-nucléaire durant cette campagne présidentielle.

Ces dernières semaines, les candidat-es se succèdent et on assiste à la course à celui ou celle qui annoncera le plus de réacteurs, alors que le Président de l'ASN Doroszczuk déplore le manque d'anticipation de la filière.
Cette réalité doit amener les candidat-es à sortir de leur envahissante idéologie pro-atome : la situation n'a jamais été aussi catastrophique qu'aujourd'hui et les colossaux obstacles rencontrés par l'industrie nucléaire rendent illusoire une planification réaliste de la construction d'un nouveau parc nucléaire français pour répondre au changement climatique.
Si Bernard Doroszczuk se défend d'entrer dans le débat politique, il tire la sonnette d'alarme sur un certain nombre de sujets :
- Il s'interroge sur la poursuite ou non du retraitement des combustibles usés. L'abandon du retraitement devient une option envisageable pour le gendarme du nucléaire.
- Au regard des tensions importantes sur l'approvisionnement électrique, de la faiblesse historique de la disponibilité du parc nucléaire en plein hiver, il est urgent de prévoir des marges afin d'éviter l'arbitrage impossible entre la sûreté et la sécurité d'approvisionnement (cela signifie bien qu'on va droit dedans).
- Il rappelle que la prolongation des réacteurs nucléaires au-delà de 50 ans n'est pas "acquise". Le risque étant, faute d'anticipation suffisante, que la décision soit prise au regard des besoins électriques mais en rognant sur la sûreté.
- La construction d'un nouveau parc nucléaire ne l'est pas davantage. Pour rendre industriellement soutenable cette perspective il faudrait former 4000 ingénieurs par an et on en est loin.
BREF : année après année le manque d’anticipation de la filière nucléaire risque de nous mettre dans une sacrée impasse.
Lire l'article sur actu-environnement du 19/01/2022 : "L'ASN appelle à reconsidérer la décision de fermeture de 12 réacteurs nucléaires d'ici à 2035"

Ni le nucléaire ni le gaz fossile ne doivent rentrer dans la taxonomie verte de l'UE !

Le sujet anime les débats (en particulier franco-allemand) au niveau de l'Europe depuis quelques mois et plus encore depuis début 2022 : le projet de texte de la Commission Européenne sur la taxonomie verte européenne rendrait éligibles le gaz et le nucléaire aux financements privés sous l'étiquette mensongère de technologie "de transition".  Le rapport du groupe d'experts ou Plateforme européenne sur la finance durable (qui rassemble 57 experts et 11 membres observateurs de différents horizons : secteur public, entreprises, institutions financières, scientifiques, ONG…) vient de dénoncer les petits arrangements de la Commission Européenne pour contourner ses propres exigences : en effet, la Commission envisage d'attribuer aux centrales à gaz fossile un label vert dès 2023 si celles-ci promettent de passer aux gaz renouvelables d'ici 2035 et de considérer les centrales nucléaires comme durables à condition qu’elles disposent d'installations opérationnelles pour stocker leurs déchets hautement radioactifs d'ici … 2050.
Des investissements dans le gaz fossile retarderaient dramatiquement les objectifs climatiques européens et la construction de nouvelles centrales nucléaires serait bien trop tardive pour répondre à ces enjeux (et fort hasardeuse et beaucoup trop chère).
Lire le communiqué du Réseau sortir nucléaire du 6/01/2022 : "Le nucléaire et le gaz inclus dans la taxonomie verte européenne : victoire pour les lobbies, défaite pour l'environnement"
Lire le communiqué de WWF du 24/01/2022 : "Taxonomie européenne : le groupe d'experts de la Commission dit non au greenwashing du gaz fossile et du nucléaire"

Longuet a encore perdu une occasion de se taire

Non content de sévir dans le grand-est de la France en étant un protagoniste forcené et zélé du projet Cigéo depuis 2 décennies, Gérard Longuet s'aventure sur le terrain du réchauffement climatique en qualifiant d'aimable plaisanterie l'impact de la montée des océans lors d'un débat avec Delphine Batho sur Sens Public. Stupéfiant.

A retrouver ici