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BURE : L'enquête de Mediapart et de Reporterre sur l'instruction en association de malfaiteurs des opposant-es

Le CEDRA applaudit les journalistes Jade Lindgaard de Médiapart et Marie Barbier de Reporterre pour le travail d'enquête monumental qu'elles viennent de réaliser sur l'investigation ouverte sur les opposant-es au projet Cigéo. Comme le souligne Hervé Kempf, rédacteur en chef de Reporterre, le sujet était tel que "deux médias différents ont coopéré et avancé main dans la main, animés par le même souci de vérité et de défense des libertés". Nous les remercions pour ça. 

INFO : Ce lundi 4 mai 2020, des opposant-es au projet Cigéo inquiétés et mis en examen dans le cadre de ce dossier d'instruction pour association de malfaiteurs s'exprimeront dans le live "À l'air libre" de Médiapart pour dénoncer la double-peine à laquelle les contrôles judiciaires les soumettent. Me Henri Leclerc, Président d'honneur et avocat de la Ligue des Droits de l'Homme s'exprimera également.


UNE ENQUÊTE DE MÉDIAPART ET REPORTERRE APPORTE UN NOUVEAU REGARD SUR L'INFORMATION JUDICIAIRE OUVERTE SUR LES OPPOSANT-ES AU PROJET CIGÉO

 

Fouillée, chiffrée, documentée à partir des 15 000 pages du dossier d’instruction pour association de malfaiteurs qui pèse sur le mouvement anti-Cigéo, cette enquête en trois articles nous en apprend davantage sur la lourde enquête pénale qui pèse sur le mouvement antinucléaire de Bure. Les dérives sont plurielles et politiques, la justice prend alors des allures de machine du renseignement.

Le premier volet de l'enquête rappelle l'article de novembre 2018 publié dans le journal Libération "Bure, le zèle nucléaire de la justice", où nous apprenions que malgré l'emploi de ressources issues de la lutte anti-terroriste, le dossier était inconsistant. Les 10 000 pages qui le constituaient ne présageaient en rien du contenu. Mediapart et Reporterre ont également eu accès au dossier depuis amplifié de 5000 pages. Dans le premier article "La justice a massivement surveillé les militants antinucléaires de Bure", nous apprenons que la justice a autorisé l’emploi de logiciels comme Anacrim ou d’Imsi-catcheurs, l’équivalent de 16 années d’écoutes téléphoniques, l’interception de plus de 85000 messages et conversations.

Dans les colonnes de l'Est Républicain, le procureur Olivier Glady se félicitait le mercredi 29 avril que le calme soit revenu à Bure.. alors qu'il est évident que la démesure des moyens utilisés trahit une volonté de bloquer la contestation.

 

Non, Bure n'est pas calme ! Bure est piétiné, étouffé, menotté, perquisitionné, interdit de territoire. 

Après avoir réalisé un véritable décryptage des moyens déployés pour surveiller le mouvement, le deuxième article est consacré à la facture. Plus d'un million d'euros a déjà été dépensé par la justice et la gendarmerie dans cette affaire judiciaire ! La "cellule Bure" (un groupe de gendarmes enquêtant sur "les agissements délictueux commis par les opposants au projet Cigéo" - ou plutôt pour démanteler l'opposition à Cigéo !), absorbe à elle seule une grosse partie de ce budget puisqu'elle a pu coûter jusqu'à 772 000 euros à l'Etat.
Nous découvrons aussi le blason, l'écusson de cette cellule : admirez l'insigne de la gendarmerie, le bidon nucléaire et le masque à gaz ! 
Note importante : la cellule Bure existe depuis 2016, donc bien avant les faits qui ont justifié l'ouverture de cette instruction (2017). Sa création coïncide avec l'envolement médiatique de la lutte et l'arrivée de nouveaux militant-es venu-es habiter le territoire. Voilà qui corrobore une fois de plus que c'est bien l'engagement contre le projet Cigéo qui est au coeur de cette affaire judiciaire. 
À Bure, la justice, instrumentalisée, détournée, dépense sans compter et bafoue ses principes fondamentaux. Le dernier volet révèle que la justice n’a pas respecté un droit fondamental : elle a foulé aux pieds les droits de la défense
« Le dossier d’instruction révèle une conception particulière de l’exercice des droits de la défense : des centaines de messages soumis à la confidentialité des échanges entre les avocats et leurs clients y figurent, alors qu’ils devraient être protégés par le secret professionnel. Par ailleurs, l’un des avocats du mouvement a lui-même été surveillé avant d’être mis en examen. »
À lire également :
Hervé Kempf, dans son édito "À Bure contre le mouvement antinucléaire une justice politique" se demande pourquoi la justice se délite-t-elle autant dans ce dossier ? Pourquoi "accorder autant de moyens que l'on utilise nulle par ailleurs à une instruction sur des faits délicteux mais mineurs" ? Pour lui, c'est bien parce que "l'État cherche à casser la résistance populaire qui a repris de la vigueur dans la région". Son propos étant qu'au-delà des positionnements concernant le stockage géologique des déchets radioactifs, chacun-e doit avoir conscience de la gifle à la justice et à l'expression démocratique que constitue cette instruction politique. 

Jade Lindgaard de Médiapart, qui a co-écrit cette enquête, apporte un regard sensible en exprimant le sentiment que lui laisse ce travail d’enquête dans son article "Bure : les libertés à l'épreuve de l'hyperintrusion judiciaire"
Nous rapportons cet extrait très juste : 
« C’est pourquoi les excès de l’instruction de Bure : la surveillance de masse, les moyens disproportionnés, la mise en danger des droits de la défense concernent tout le monde, et pas seulement les anti Cigéo, ni uniquement les anti nucléaires ou les militants politiques. »

Des mis-es en examen de Bure ont aussi réagi à cette enquête : "pour que cesse le confinement de notre lutte et de nos amitiés."