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Les incertitudes non-exhaustives et irrémédiables qui pèsent sur la sûreté du stockage pendant la période d’exploitation

 

INFOS AUSSI CROUSTILLANTES QU’INQUIETANTES

Issues du séminaire organisé les 13 et 14 décembre par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

"L'implication de la société civile dans l'instruction d'un dossier d'expertise - Le cas de l'instruction du dossier d'options de sûreté de Cigeo" 

 

Nous avons entendu Nicolas Hulot et bien d’autres annoncer que Cigéo était la moins pire des solutions… mais être crédible il aurait fallu étudier les alternatives.

 

Aujourd’hui, la filière nucléaire s’embourbe par sa faute dans le stockage géologique profond à Bure, dont les risques sont identifiés de longue date par l’Andra, confirmés par les évaluateurs que sont l’IRSN et l’ASN. Des experts indépendants tentent d’alerter sur l’impasse Cigéo (lire notamment l’interview de Bernard Laponche publiée ce jour dans le Monde) et remettent totalement en question la faisabilité de l’enfouissement. Pour les appuyer, nous vous proposons de prendre connaissance des éléments ci-dessous qui déconstruisent totalement la propagande et l’assurance des nucléophiles.

 

La seule solution pour Cigéo ? Son abandon !

Nous étions présents lors de ce séminaire très instructif qui confirme l’échec de la démonstration technique de Cigéo. Ce reportage en trois parties est destiné à vous convaincre, à la lumière des éléments entendus lors de ce séminaire, que Cigéo est une aberration scandaleuse dans sa théorie (I), pendant sa phase d’exploitation (II), et après-fermeture (III) …

 

Après un voyage au coeur du MENSONGE (Lire ici le premier article de ce triptyque !), bienvenue dans l’univers de la FICTION !

 

 

II.            Les incertitudes non-exhaustives et irrémédiables qui pèsent sur la sûreté du stockage pendant la période d’exploitation

 

 

(N.B. à l’attention du lecteur : la longueur de ce communiqué reflète l’étendue des manques, l’ampleur des suppositions…

 

Un véritable roman catastrophe que vous pourriez retrouver au rayon « science-fiction » des meilleures librairies !)

 

Non seulement l’inventaire initial des déchets destinés à Cigéo est inabouti, mais en plus il pourrait bien évoluer !

 

En droit nucléaire, il suffit de déclarer une matière valorisable pour qu’elle échappe à la catégorie « déchet ». Ne sont pas considérés comme des déchets les matières dites « valorisables », les combustibles usés, les matières séparées. Pourtant, si les partisans de l’atome tentent vainement (mais avec aplomb) de présenter le cycle du combustible comme une filière vertueuse en avançant le fameux chiffre de 96% du combustible usé qui serait recyclable, il n’en absolument rien. Les combustibles usés ne sont pas recyclés mais les éléments qui les composent sont séparés (cliquez ici pour mieux comprendre la sémantique) : 95% d’uranium appauvri « présenté comme une "précieuse" réserve stratégique de combustible nucléaire », 1% de plutonium, 4% de déchets ultimes. Finalement, 95% du combustible est présenté comme recyclable alors qu’il n’est pas recyclé mais entreposé dans l’hypothèse où il serait valorisé. Confuse et brumeuse à dessein, la classification repose ainsi sur une véritable arnaque stratégiquement mise en place pour entretenir l’illusion d’un nucléaire propre et d’un cycle maîtrisé.

 

Aussi, lorsqu’un individu s’interroge intuitivement sur l’adaptabilité pour Cigéo en relation avec l’inventaire des déchets, l’IRSN l’avoue : « oui, l’inventaire de Cigéo pourrait évoluer, les combustibles ne sont pas pris en compte mais considérés en termes d’adaptabilité », en plus des réserves, des déchets FA-VL mais aussi des déchets MA-VL et HA-VL issus de l’exploitation et du démantèlement des réacteurs.

 

De qui se moque-t-on ? Si on récapitule : 20 ans de recherches approfondies pour qu’à un an du dépôt de la demande d’autorisation de création (DAC) l’inventaire de Cigéo ne soit ni clair ni précis, mais inabouti et « adaptable » ? En 1999 était vendu aux populations un pseudo laboratoire expérimental, et 20 ans plus tard les promoteurs comme les évaluateurs ne sont pas en capacité de répondre de répondre à cette question des plus élémentaires : quels sont les déchets qui doivent être enfouis dans le Cigéo ?

 

L’emprise de la ZIRA pourrait même s’agrandir, en toute opacité, bien sûr !

 

Depuis 2010, le Gouvernement a autorisé l’Andra à poursuivre l’étude de l’implantation des installations souterraines et des installations de surface sur une zone de 30 km², la ZIRA (zone d’intérêt pour la reconnaissance approfondie).

 

L’emprise spatio-temporelle de Cigéo structurerait le territoire sur des millions d’années, elle n’aurait rien d’anodine. Et pourtant, elle est traitée comme telle.  L’IRSN le dit sans détour : « il n’existe pas d’éléments rédhibitoires d’un point de vue géologique s’il fallait étendre la ZIRA pour accueillir d’autres déchets. » Dans la salle un expert indépendant résume et se dit « assez effaré d’entendre parler d’une extension de Cigéo au-delà de la ZIRA qui plus est pour des combustibles irradiés non retraités » !

 

Qu’on se le dise, si la qualité de la géologie est promise (alors qu’elle est chimérique) comme permettant l’extension de Cigéo, ce n’est pas le politique qui s’y opposera. La décision sera prise en toute opacité par quelques nucléocrates, après les quelques avis requis mais non déterminants de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de la Commission nationale d’évaluation (CNE), du Comité local de suivi (CLIS) pour parfumer cette hypocrisie d’un soupçon de démocratie, et une petite signature étatique suffira pour entériner le tout. Voilà la recette idéale pour l’extension d’un dépotoir radioactif… 

 

Mais puisqu’on vous dit d’avoir confiance quand même !

 

Face à cet inventaire absolument pas fiable des colis destinés à Cigéo, stupéfait devant ce festival d’incertitudes, une personne intervient dans la salle sur la question des contrôles, se demandant « qui est responsable de la qualité des containers ? L’Andra ? EDF ? ». Cette même personne poursuit : « des experts internationaux disent que non, tout ne va pas bien, sur l’efficience globale du dispositif, la radioprotection, la sécurité, etc ! » Bref. Ras le bol d’être pris pour des imbéciles, et en plus avec une certaine arrogance.

 

L’IRSN répond qu’il « existe un contrôle sur l’ensemble des paramètres de production » ; que « si un colis est déclaré non-conforme, il suivra une procédure particulière » ; qu’ « il existera donc une traçabilité des colis ayant connus des aléas », que « les contrôles sont donc cumulés : le producteur de déchets, puis l’Andra, puis l’inspection de l’ASN pour vérifier la conformité avec le référentiel [de conditionnement établi par les producteurs de colis]. » Néanmoins, avec une certaine honnêteté, l’IRSN admet être « encore au stade des orientations », et qu’il est ainsi « normal que ce ne soit pas mature » … Vraiment ? Au bout de 20 ans de recherches et à un an du dépôt de la DAC ? On se demande une fois de plus si nous sommes bien entrain de parler du plus gros projet industriel jamais pensé ni conçu.

 

L’intervention exaspérée d’un citoyen membre du Clis de Bure et associatif résume alors l’essentiel de cette démonstration de la faiblesse du projet : « Qui fait le contrôle ? Qui décide si c’est un déchet ? On entend que la transposition de la ZIRA est quelque chose d’acquis ?! Au lieu de se suffire d’un auto-contrôle, ne pourrait-on pas passer par un contrôle extérieur ? On en vient à se demander si vous ne craignez pas un contrôle extérieur car vous vous rendriez compte que d’autres estimeraient un coût bien plus important ! Par ailleurs, pour une extension du périmètre ou pour enfouir de nouveaux déchets, comment ça se passerait ? un simple décret ?! »

 

Il est vrai que les mêmes erreurs ont vocation à se répéter inlassablement : une population impactée directement mais écartée des choix du passé comme de ceux à venir, qui n’a aucune prise sur le processus depuis 20 ans. Au mieux qu’elle ne pense pas, au pire qu’elle se taise. Cigéo a été pensé par les acteurs du nucléaire, pour les intérêts de la filière nucléaire, et mis en œuvre par la filière nucléaire. C’est le projet du lobby nucléaire.

 

Les craintes énumérées par le citoyen ne trouvent pas de réconfort dans la réponse apportée par l’IRSN rappelant qu’« il y aura également des contrôles de l’ASN en complément des producteurs et de l’Andra, par ailleurs, la relation entre exploitant et opérateurs de contrôle doit reposer sur la confiance »

 

C’en est trop pour un autre citoyen, également membre du Clis de Bure et d’une association opposée, listant toutes les bonnes raisons de ne plus avoir confiance : les retours d’expériences qui ne peuvent convaincre personne (le WIPP, et Stocamine évoqué dans le premier communiqué), la responsabilité d’Areva dans les falsifications du Creusot, celle de l’ASN dans la validation de la cuve de l’EPR de Flamanville que l’on sait défectueuse, le manque de sérieux de l’IRSN quant à la présence d’une ressource géothermique dans les sous-sols de Bure … Effet réussi !

 

L’analyse par l’Andra du risque « incendie » est fragile selon l’IRSN !

 

Après quelques mots gentils pour l’Andra dont l’analyse en question est « cohérente et va dans le bon sens » selon l’IRSN, il s’avère qu’en réalité non, rien ne va !

 

Mais nous le savions déjà. Nous vous l’avions expliqué dans un communiqué « les petits pas des évaluateurs de Cigéo vers son échec » que vous pouvez retrouver ici. En effet les colis bitumineux sont initialement des effluents radioactifs liquides, qui ont été traités, devenant des boues enrobées dans une matrice de bitume et contenant des sels. Les sels pouvant réagir chimiquement et produire de la chaleur, l’IRSN craint en cas d’emballement des incendies qui se propageraient à l’ensemble des galeries. Là où l’Andra précise qu’en dessous de 180 degrés ce risque n’existe pas, l’IRSN pointe quant à elle la non-prise en compte de l’auto-irradiation du bitume et n’est pas convaincue du seuil de température, prenant appui sur l’exemple catastrophique du WIPP pour démontrer que le colis primaire est la première barrière de confinement et la surveillance un dispositif de sûreté fondamental.

 

L’IRSN se dit intransigeant sur le caractère contraignant des recommandations qu’il a formulées à l’Andra : nécessité de prévoir toutes les situations accidentelles qui seraient préjudiciables aux conditions d’exploitation, de prendre en compte les durées d’indisponibilité importantes en cas d’accident car il y aurait un impact sur toute la filière, de garantir les possibilités de réaction après un accident…

 

Non seulement il est flippant de constater que toutes ces questions ne connaissent pas de réponse à ce jour, mais qu’elles n’en connaîtront probablement jamais.

 

Si l’IRSN préconise la solution de neutralisation de la réactivité des déchets quant à laquelle il existe un débat sur la faisabilité technique et financière, il semble que l’on s’oriente plutôt soit vers une modification des conditions du stockage (et là on peut s’attendre à un report important de la DAC, une fois de plus !) soit vers une non prise en compte de ces déchets pour Cigéo (mais alors, à quoi servirait-il, et qu’adviendrait-il des colis bitumineux ?)

 

Tout le monde s’enlise profondément, personne ne tire de conclusions.

 

Finalement l’argile des sous-sols de Bure n’est pas l’idéal… mais bon, ça fera l’affaire ! 

 

Suite à une question relative à la différence de poids entre celui la roche enlevée en creusant et celui de l’installation, un expert indépendant saisit l’opportunité pour apporter son point de vue quant au choix de l’argile.

 

« L’argile apporte des problèmes d’ordre structurel. L’argile n’est pas une roche porteuse, donc il y aurait des structures métalliques importantes pour soutenir l’installation, et leur corrosion par un processus chimique produit de l’hydrogène. La présence concomitante de l’eau dans l’argile et des déchets radioactifs, par les rayonnements de ces derniers produirait aussi des quantités importantes d’hydrogène. Cumul et synergie de facteurs favorisant des incendies et explosions : étincelles de la batterie, oxygène de la ventilation, hydrogène, colis bitumineux… on se pose des questions sur la conception ! Bure a bien été choisi pour des raisons sociologiques et pas pour la qualité de la roche dont découlent tous les problèmes structurels et de conception énoncésPour que Bure soit « la moins mauvaise solution » il aurait fallu qu’il y ait d’autres recherches et examens. »

 

Un autre expert indépendant plussoie : « Tout est présenté comme des vérités, on nous affirme des modèles mathématiques qui répondent à tout ; or, il n’y a pas un temps suffisamment long pour tester ! »

 

Le plus dérangeant, c’est que l’IRSN ne dément pas mais au contraire admet que : « on ne peut pas tout prévoir, il faut s’arranger des incertitudes » 

 

L’ennemi n°1 de l’enfouissement, c’est l’eau… et il y en a… mais CHUT !

 

Comme le rappelle un membre du Clis de Bure, l’Andra a longtemps affirmé que le sous-sol de Bure était sec, et pour cause : l’eau est l’ennemi de la radioactivité ! Cette affirmation permettait à l’Andra de ne pas prendre en compte les risques d’une contamination remontée en surface dû aux bactéries dans l’installation souterraine : pas d’eau, pas de vie ! Selon l’Andra, les caractéristiques du calloxo-oxfordien (manque d’espace, d’eau, et de nutriments) ne permettent pas de développement bactérien significatif… ce que l’IRSN ne suit pas. En effet, lorsqu’un expert indépendant ironise : « on entend que c’est un site merveilleux parce qu’il n’y a pas d’eau, mais l’argile est une véritable mille-feuille qui comporte 7 à 8% d’eau en masse, des bactéries, il y en aura, c’est sûr ! », l’IRSN admet que l’argile est chargée en eau, mais que celle-ci circule lentement ….

 

Et en bonus toujours autour de l’eau :

 

*répondant à une inquiétude relative aux manques d’études des impacts engendrés par le creusement sur le milieu, l’IRSN exclut la possibilité d’inondations grâce à la reconnaissance détaillée du site avant et après creusement. Rassurez-vous, on devrait pouvoir éviter de creuser dans les nappes phréatiques lorsque l’on creusera les descenderies !

 

*Alors que l’IRSN énonce les différents exutoires des effluents liquides (L’Orge pour les eaux pluviales de la zone descenderie ; l’Ormançon pour les eaux pluviales issues de la zone puit, et la Marne après contrôle et traitement des eaux pour les effluents liquides), un membre du Clis de Bure rebondit en demandant quels traitements subiraient les effluents liquides avant d’être rejetés dans la Marne. Devinez ce qu’a répondu l’IRSN ? « Au stade du dossier d’options de sûreté… on ne sait pas encore ! » Le registre de l’incertitude, jusqu’au bout.   

 

Enseignements : 

« On pense que », « il faudra que » … l’utilisation du champ lexical de l’inconnu est révélateur de l'infaisabilité de Cigéo ! A quand le courage politique de sa remise en question ?! 

 

Quand nous posons des questions et que l’IRSN n’est pas capable d’apporter des réponses, il se cache systématiquement derrière le fait que nous sommes au stade du dossier d’options de sûreté (DOS) et non pas à celui du dépôt de la demande d’autorisation de création (DAC). Pourtant, les problématiques ci-dessus sont connues de longue date mais ne sont pas résolvables puisqu’elles sont inhérentes à la nature et à la conception de Cigéo. Hypocrisie ! 

 

On apprend de manière fortuite au fil des questions que si certains problèmes sont en suspens à un an de la DAC, on pense déjà à en créer de nouveaux ! Irresponsable !

PROCHAINEMENT : Les incertitudes qui pèsent sur la sûreté après scellement